Qui était Blaise Cendrars, franco-suisse qui fut enchanté par Aleijadinho et influença Oswald et Tarsila – 23/01/2021 – Illustre

by Sally

Qui était Blaise Cendrars, franco-suisse qui fut enchanté par Aleijadinho et influença Oswald et Tarsila – 23/01/2021 – Illustre 👨‍💻

[RESUMO]Blaise Cendrars, écrivain, poète et artiste d’avant-garde, a eu une influence marquée sur le modernisme brésilien des années 1920. Après avoir perdu un bras lors de la Première Guerre mondiale, le Franco-Suisse, décédé il y a 60 ans, a rencontré et tombé en faveur des personnages du groupe moderniste qui vivait à Paris. Invité à parcourir le Brésil, il est enchanté et commence à considérer le pays comme sa seconde patrie. Cendrars, souligne l’auteur, a été particulièrement décisif pour l’œuvre de Tarsila do Amaral et d’Oswald de Andrade.

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Il y a 60 ans, le 21 janvier 1961, l’écrivain français d’origine suisse Blaise Cendrars mourait à Paris. Né Frédéric Louis Sauser, en 1887, dans une famille bourgeoise, à l’adolescence il conquiert le monde, anticipant une vocation de globe-trotter.

Les premiers voyages qui marquèrent sa vie furent à New York, qui lui inspira le poème « Pâques à New York » (1912), et à Saint-Pétersbourg, où il fut apprenti joaillier. L’expérience russe a donné naissance à « La Prose du Transsibérien et de la Petite Jeanne de France » (1913), « le premier livre simultané », sous la forme d’une longue page dépliée synchronisée texte et tache visuelle réalisée par l’artiste Sonia Delaunay.

Volontaire pour la France pendant la Première Guerre mondiale, il perd son bras droit au combat en 1915 et plonge dans une crise profonde, surmontée seulement lorsqu’il réapprend à écrire de la main gauche. En 1924, il arrive pour la première fois au Brésil, pour endosser l’expérience moderniste, alors embryonnaire. Il revient en 1926 et 1927, attiré par une fascination qui s’exprime dans la reconnaissance du pays comme sa « seconde patrie spirituelle », qu’il appelle Utopieland.

Il a consacré de nombreux livres et textes au Brésil, jusqu’à la fin de sa vie. Sa trajectoire parmi nous commence à être médiatisée à la fin des années 1960, lorsqu’Alexandre Eulalio publie en français « L’Aventure Brésilienne de Blaise Cendrars » (1969) et Aracy Amaral, « Blaise Cendrars au Brésil et les modernistes » (1970).

Le 28 mai 1923, Tarsila do Amaral et Oswald de Andrade rendent visite à Cendrars dans le modeste appartement où vivent Raymone, sa muse et bien-aimée, et sa mère, rue du Mont-Dore à Paris. Par une simple dédicace, il offre à son nouvel ami un cadeau rare : une huile sur carte (« Tour Eiffel ») qu’il a peinte —de la main droite— en 1913, alors qu’il est immobilisé dans une chambre de l’Hôtel du Palais pour presque un mois, à cause d’une jambe cassée.

En 1923, des troupes de choc de modernistes brésiliens sont concentrées à Paris. Sergio Milliet, Di Cavalcanti, Victor Brecheret, Sousa Lima, Villa-Lobos, Anita Malfatti, Tarsila et Oswald étaient en ville. Et Paulo Prado, nom central dans l’organisation de la Semaine du 22, est arrivé, comme à son habitude, pour passer l’été.

L’environnement intellectuel bouillonnant a encouragé les Brésiliens à consolider et à étendre leurs illustres relations. Ils font la connaissance de Jean Cocteau, Jules Romains, Juan Gris, Supervielle, Valéry Larbaud, Paul Morand, Giraudoux, Ivan Goll, etc. Cependant, la sympathie s’est immédiatement adressée à Blaise Cendrars, qui a partagé avec eux une disponibilité farouche et sans vergogne.

Sérgio Milliet, le meilleur chroniqueur de ces journées fabuleuses, rapporte — en français — à son ami Yan de Almeida Prado, qui a séjourné au Brésil : « Oswald a donné une conférence à la Sorbonne. Auditorium complet. Ambassadeurs, artistes. […] Cendrars s’intéresse beaucoup à nous. Je dois vous rendre visite bientôt pour lire des poèmes brésiliens de Mario [de Andrade], tacite [de Almeida], mec [Guilherme de Almeida], Couto [de Barros], [Luís] Araignée, Ronald [de Carvalho], Menotti [del Picchia] etc… ».

En juin, dans son atelier de la place Clichy, Tarsila a offert à Cendrars un déjeuner brésilien. Dans une lettre à la famille, le peintre qualifie l’invité de plus grand poète français d’aujourd’hui : « La guerre a mutilé Blaise Cendrars qui, avec toute sa grandeur incontestée, est le garçon le plus simple du monde.

L’empathie qui s’établit est aussi d’ordre esthétique, et Cendrars devient le gourou de la foule brésilienne. Le lien spontané et naturel créé, son influence s’est fait sentir immédiatement. Sur son invitation, Sérgio Milliet a visionné « Création du monde », mis en scène par les Ballets Suédois. Le spectacle avait un livret de Cendrars, une musique de Darius Milhaud et des toiles de fond de Léger. C’était une prémonition : Milhaud avait introduit le son brésilien dans la partition.

En plus du ballet noir, Cendrars avait publié une « Black Anthology » en 1921 et des « Black Poems » l’année suivante. Le thème de l’art noir était en évidence, et Tarsila, également en 1923, avec la libération de son inconscient, a signalé son alignement avec la nouvelle vague en donnant forme à « Negra », une entité qui a apaisé la nouvelle phase de sa peinture, qui encore absorbé la leçon cubiste de Léger.

Cendrars a salué le geste de Tarsila. Dès ce moment, il se met à suivre de près ses pas dans la construction de son œuvre, qui sera publiquement reconnue dans l’exposition à la galerie Percier, en 1926, tenue sous la stricte surveillance de l’écrivain. Il a été énergique pour empêcher cette exposition d’avoir lieu dans le hall de l’ambassade du Brésil. Il a dit que le principal problème des artistes brésiliens était « l’officialisme ».

Cendrars a toujours été fidèle —malgré son enchantement pour « Morro da Favela », toile qu’il possédait en réalité — à cette « Negra » inaugurale, à laquelle il réservera la couverture de son recueil de poèmes sur le voyage brésilien, « Feuilles de Parcours » (notes de voyage).

Oswald de Andrade, enthousiasmé par son nouvel ami, le présente à Paulo Prado qui, sur sa proposition, demande à Sérgio Milliet d’inviter Cendrars à visiter le Brésil. Oswald lui fit signe de conclure des accords en Amérique pour rendre le voyage encore plus tentant, et le Suisse obtint la référence d’un journal pour une série de reportages sur les antipodes.

Le 12 janvier 1924, Cendrars embarque du Havre à bord du navire Formose, à destination du Brésil. Traversant l’Atlantique, il reprend à bord quelques vieux projets de ballet, de poésie et de romance.

Bercé par l’arrivée de la chaleur et la luminosité grandissante, lors de la traversée de l’équateur, c’est déjà un homme nouveau, qui aperçoit le « paradis terrestre » et télégraphie son amie-musée à Paris pour lui transmettre sa sensation nouvellement conquise. Sous la devise « il fait bon vivre », Cendrars se donne généreusement une expérience qui élargira sa perception et contribuera à sa maturité en tant que personne et écrivain.

À São Paulo, installé à l’hôtel Victoria, dans le Largo do Paissandu, il commence à conquérir les moyens littéraires et cultivés de la paisible et provinciale Pauliceia. Il fréquente le salon de Mme Olívia Guedes Penteado, qui lui offre un dîner de bienvenue.

Il ne quitte pas la maison de Paulo Prado, il est accueilli par René Thiollier, qui lui offre un « gâteau Cendrars », avec des morceaux de mangue, et aussi par Freitas Valle, dans sa Villa Kyrial, où il donne une conférence, « Comment Je fais ma Black Anthology ».

Tournant avec aisance au milieu de la haute bourgeoisie de São Paulo, il n’est pas moins à l’aise dans le cercle des jeunes écrivains bohèmes, avec qui il sort boire, aller au cinéma, à la Confiserie viennoise ou au cirque pour voir Piolin.

A la demande de l’invité, qui n’a pas oublié la rémunération promise par le journal Excelsior pour ses articles, un groupe formé autour de Mme Olívia, par Mário de Andrade, Oswald et leur fils Nonê, Tarsila et René Thiollier, l’emmène visiter le Rio Carnaval et monuments du cycle de l’or de Minas.

Ils passent la Semaine Sainte à São João del Rei et Tiradentes, dans la prison de laquelle Cendrars trouve le meurtrier qui a arraché le cœur de sa victime et l’a mangé, le transformant en loup-garou dans son « Éloge du risque de la vie ».

Via Divinópolis, le groupe visite Sabará et Belo Horizonte. Là, les voyageurs entrent en contact avec les jeunes modernistes de Minas : Carlos Drummond de Andrade, Emílio Moura, João Alphonsus, Pedro Nava, Francisco Martins de Almeida et Abgar Renault. À Lagoa Santa, le secrétaire à l’Agriculture du Minas Gerais, Daniel de Carvalho, offre aux visiteurs, au nom du gouvernement de l’État, des terres à proximité de cet endroit – les «terres brésiliennes» de Cendrars.

La visite se poursuit à travers Mariana et Ouro Preto. Lors du voyage à Congonhas do Campo, le sanctuaire Bom Jesus fait une impression écrasante sur le groupe. Face à la meilleure sculpture du XVIIIe siècle, aux histoires d’Aleijadinho —« le génie mutilé »— et à la fondation de Congonhas autour du Sanctuaire de Bom Jesus de Matosinhos, Cendrars a réagi par une « quelle merveille ! » indéfectible mais spontanée ! (merveilleux!).

L’empreinte profonde de ces paysages désolés ne sera perçue par les contemporains que lorsque l’œuvre future révélera son impact sur la mémoire de l’étranger. Dans les bagages de l’entourage, comme il était d’usage lors des excursions des voyageurs étrangers au XIXe siècle, figurait le crayon d’un artiste-peintre, chargé de recueillir les paysages et les types trouvés en chemin.

« C’est à l’occasion de la visite de Blaise Cendrars dans notre pays que j’ai, sans préméditation, sans aucune envie d’entrer dans une école, réalisé, en 1924, le tableau qu’ils appelaient Pau-Brasil. Ainsi Tarsila rappellera, 15 ans plus tard, la genèse du mouvement. Les dessins qu’elle réalise en chemin, apercevant le paysage depuis la fenêtre du train ou « assise au bord d’un rocher » à Barbacena, « entré en train de ramasser un croquis » —annotation pour future toile—, vont transformer son travail , alors elle cherchait un style et un thème.

Aussi la voix de Tarsila : « Imprégnée de cubisme, théorique et ne voyant pratiquement que Léger, Gleizes, Lhote, mes maîtres à Paris ; […] J’ai ressenti, à peine arrivé d’Europe, un émerveillement devant les décorations populaires des maisons de São João del Rei, Tiradentes, Mariana, Congonhas do Campo, Sabará, Ouro Preto et d’autres petites villes de Minas, pleines de poésie populaire. Retour à la tradition, à la simplicité ».

À Tarsila, il était impossible de séparer l’impact de son charme personnel, composé d’une beauté sereine – « les cheveux tirés en arrière jusqu’à la nuque dans une coiffure moderne ; les boucles d’oreilles en or, en forme de boucles d’oreilles, tintantes, suspendues à ses oreilles », dans la description d’une compagne de voyage—, d’intérêt pour ses dessins stylisés.

Enthousiasmé par les bonnes surprises que lui offrait la saison brésilienne, Blaise, depuis le voyage pour voir le Carnaval de Rio, avait demandé à Tarsila de lui réserver quelques dessins pour illustrer un recueil de poèmes qu’il préparait. Il n’a jamais caché « que Tarsila est brillante, qu’elle est la plus belle et la plus grande peintre d’aujourd’hui ».

Dès leur retour de leur voyage à Minas, toujours sous l’impact de l’abandon dans lequel étaient reléguées les églises et les sculptures d’Aleijadinho, le groupe moderniste, qui se réunissait chaque semaine dans le salon de Dona Olívia, a décidé d’agir en faveur de la préservation urgente de la patrimoine historique. Cendrars a ensuite été chargé de rédiger les statuts d’une Société des amis des monuments historiques au Brésil.

Il conçoit une structure privée pour agir, protégée par une loi, au nom de l’État, qui serait en mesure d’identifier, d’enregistrer, d’approuver et de contrôler les travaux de restauration, d’animer et de créer des musées au niveau régional et national — et il n’oublie pas à inclure les sources de revenus et principalement les moyens de diffusion et de publicité les plus modernes en 1924, comme le cinéma et l’enregistrement de disques de musique populaire.

L’aspect visionnaire du projet est ainsi ancré dans une proposition qui imagine pouvoir développer le tourisme culturel, la demande de musées et l’exploitation commerciale des fêtes populaires, notamment le Carnaval, qui reposait alors sur le défilé des sociétés.

Ce plan est avorté par la révolution d’Isidoro Dias Lopes, qui éclate en juillet 1924 avec violence…

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